Certains de nos lecteurs hôteliers-restaurateurs disposant de contrats « perte d’exploitation » ont saisi les tribunaux pour obtenir une indemnisation de la part de leur assureur suite à la fermeture de leur établissement à cause de l’épidémie de Covid-19.
Jugements favorables à la mise en jeu de la garantie
Plusieurs décisions de justice ont condamné l’assureur AXA (en France, c’est le principal assureur pour ce type de risques) à payer à des hôteliers restaurateurs ou à des restaurateurs des indemnités financières pour perte d’exploitation et perte de revenus suite aux fermetures de leurs établissements depuis la mi-mars 2020.
- Un jugement du Tribunal de Commerce d’Annecy du 22 décembre 2020 (n°2020R00066) a condamné la compagnie d’assurance Axa à payer une provision de 60 000 euros à valoir sur l’indemnisation totale qui sera déterminée par une expertise au propriétaire d’un hôtel restaurant situé dans la commune des Gets (Haute Savoie).
- Un jugement du tribunal de commerce de Tarascon en date du 24 août 2020 (numéro d’inscription au répertoire général : 2020 001786) accorde une indemnisation de plus de 114 000 euros à un restaurant du département des Bouches-du-Rhône fermé pour la période du 15 mars 2020 au 2 juin 2020.
- Le tribunal de commerce de Paris a rendu le 17 septembre 2020 (répertoire n°2020022816, n°202022819, n°2020022823, n°2020022825, n°2020022826) cinq décisions favorables à cinq restaurateurs en demandant à l’assureur de prendre en charge l’indemnisation des pertes d’exploitation subies.
La clause d’exclusion opposée par AXA aux assurés n’a pas été reconnue valable, car selon les juges parisiens, elle est contraire aux dispositions de l’article L113-1 du code des assurances qui imposent que les exclusions de garantie soient à la fois « formelles et limitées »: « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police…»
En outre, les magistrats parisiens ont reconnu que l’exclusion de garantie insérée dans les contrats d’assurance en cause n’était pas mentionnée en caractères suffisamment apparents ainsi que l’exige l’article L112-4 du Code des assurance en son dernier alinéa : « Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparent ».
Dans un communiqué du même jour que les 5 décisions ci-dessus, AXA France a annoncé son intention de « faire appel des cinq jugements rendus le 17 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Paris. Ces décisions, explique AXA, méconnaissent une clause contractuelle claire et précise. En effet, le contrat d’assurance dont il est question prévoit explicitement que les fermetures administratives collectives affectant plusieurs établissements dans un même département ne sont pas couvertes. Il reviendra donc à la Cour d’Appel de se prononcer afin d’apporter la clarté juridique nécessaire sur ce sujet d’importance, tant pour les assurés que pour l’ensemble des assureurs. » (source AXA).
Refus de la mise en jeu de la garantie
À l’opposé, quelques tribunaux ont refusé une indemnisation aux exploitants, comme c’est le cas dans l’affaire ci-dessous :
Un grand restaurant de Toulouse qui avait souscrit le 28 février 2020 avec AXA un nouveau contrat multirisque petites et moyennes entreprises avec effet au 1er janvier 2020, en remplacement d’un contrat plus ancien datant de 2013, réclamait une indemnisation de plus de 180 000 euros au titre de sa garantie « perte d’exploitation ».
Le tribunal de commerce de Toulouse (jugement du 18 août 2020, rôle n° 20203294) a rejeté la demande du restaurateur car si dans les conditions générales, il est bien prévu une garantie perte d’exploitation et perte de revenus en cas d’interruption totale ou partielle de l’activité, il était aussi mentionné que sont exclues : « Les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.»
L’assureur AXA a pris le parti de se défendre en soutenant que la garantie perte d’exploitation s’applique uniquement à une fermeture administrative individuelle et non pas à des fermetures générales de plusieurs établissements.
Précisons qu’AXA aurait en cours de validité près de 20 000 contrats perte d’exploitation dans le secteur de l’hôtellerie / restauration.
Selon nos sources, il semblerait que certains assurés aient pu arriver à une transaction avec cet assureur, du moins une fois après avoir obtenu un jugement en leur faveur de la part d’un tribunal de commerce.
Comment faire ?
- Si vous êtes titulaire d‘une assurance professionnelle comportant une garantie « perte d’exploitation suite à fermeture administrative », dans un premier temps, faîtes une déclaration de sinistre auprès de votre agent ou courtier d’assurance.
- Si l’assureur refuse la garantie, confirmez votre demande auprès du service réclamation ou au médiateur.
Pour AXA les adresses sont les suivantes :
AXA France
Direction Relations Clientèle
TSA 46 307
95 901 Cergy Pontoise Cedex 9
- Si vous ne parvenez pas à trouver une issue au différent qui vous oppose à Axa, vous pouvez saisir le Médiateur spécialisé dans les assurances en lui faisant parvenir votre dossier complet ainsi que les réponses reçues de vos interlocuteurs précédents à l’adresse :
La Médiation de l’Assurance
TSA 50110
75441 Paris Cedex 09
OU pour une solution plus expéditive, mais plus onéreuse, demandez à un avocat de faire délivrer par un huissier de justice une sommation à l’assureur d’apporter sa garantie et de vous indemniser de tel montant et ensuite demandez à votre avocat d’assigner votre assureur devant le tribunal de commerce.
Pot de terre contre pot de fer
Le problème des garanties « perte d’exploitation, perte de revenus » c’est que les contrats d’assurance ne sont pas forcément rédigés de la même façon selon l’assureur et le millésime de leur souscription, les clauses d’exclusion peuvent donc être différentes d’un contrat à l’autre. Il peut alors être plus facile dans certains cas d’obtenir réparation et dans d’autres plus difficile. Mais sachez que d’une manière générale, les juges sont assez favorables aux demandes d’indemnisation des hôteliers restaurateurs qui ont souscrit des garanties « perte d‘exploitation ».
De plus, la cour suprême se montre aussi protectrice des intérêts des assurés face au « pot de fer » que représentent les assureurs.
La Cour de cassation (3ème chambre civile, 27 octobre 2016, pourvoi n°15-23.841) a jugé que la clause d’exclusion sujette à interprétation qui n’est ni formelle, ni limitée, est nulle. En l’espèce il s’agissait d’un contrat d’assurance multirisque professionnelle souscrit auprès de la MAAF.
La non validité d’une clause d’exclusion de garantie a fait l’objet de plusieurs précédents jurisprudentiels :
- Ainsi, la Cour de cassation (2e chambre civile, 12 décembre 2013, pourvoi n° 12-29.862) rejette une clause d’exclusion qui « ne se référant pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, n’était pas formelle et limitée et ne pouvait ainsi recevoir application en raison de son imprécision ».
- Plus anciennement, un arrêt de la Cour de cassation (2ème chambre civile, 8 octobre 2009, pourvoi n° 08-19.646) casse une décision de la cour d’appel de Reims aux motifs que les juges n’ont pas effectué « une interprétation estimée nécessaire de la clause d’exclusion de garantie, ce dont il résultait qu’elle n’était ni formelle ni limitée ».