Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) prône un effort ciblé d’investissement pour la France dans son « Rapport annuel sur l’état de la France en 2018 : Mieux investir pour la France » examiné le 12 juin dernier. Voici quelques morceaux choisis …
En résumé : S’il n’y avait qu’une pensée à retenir, ce serait probablement celle-ci : « Pour autant, les performances de la France restent en retrait par rapport aux autres pays de l’Union et la faiblesse persistante des gains de productivité pose clairement la question de la soutenabilité de la croissance. »
Mais pour être complet, il faut rappeler le paragraphe précédent :
« Que nous disent les indicateurs ? Le retour d’une activité économique plus vigoureuse (+2,2 % en 2017), mais fragile et adossée a? un investissement prive? qui a récemment repris, constitue un signe encourageant. Le marché de l’emploi se redresse même si le taux de chômage reste éleve?, notamment chez les jeunes et les seniors. Certains indicateurs de richesse complémentaires du PIB mettent également en évidence d’autres motifs de satisfaction, qu’il s’agisse de la poursuite de la baisse du taux de décrochage scolaire ou d’un moindre niveau d’inégalités et de pauvreté par rapport a? nos voisines et voisins européens. »
Un rapport de 122 pages
Sur la base de l’analyse de 10 indicateurs économiques, sociaux et environnementaux complémentaires du PIB, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) rend pour la troisième année consécutive, à la demande du Premier Ministre, son rapport annuel sur l’état de la France.
Dans ce rapport, le Conseil estime que les plans d’investissements nationaux et européens sont sous-dimensionnés et prône un effort significatif d’investissement pour améliorer les conditions de vie des Françaises et des Français, et faire face aux enjeux liés à la transition écologique et énergétique, de révolution numérique et de lutte contre le chômage. Ces investissements ne peuvent néanmoins se concevoir sans concilier discipline budgétaire et maîtrise de l’endettement. Il s’agit dès lors de promouvoir une meilleure sélectivité dans le choix des projets d’investissement, en privilégiant les dépenses susceptibles de stimuler la croissance de long terme.
Le CESE présente de nombreuses préconisations pour construire un avenir ambitieux. Il suggère notamment de :
- Améliorer l’efficacité des investissements
Le CESE souhaite améliorer les études d’impacts, d’évaluation et la gouvernance, aller vers de nouveaux modèles de coopération public-privé et engager une commande publique responsable. Il préconise d’étendre aux investissements des collectivités locales l’obligation d’évaluation.
- Étendre le rôle des régions
Afin que les régions participent activement au soutien des écosystèmes territoriaux, le CESE recommande une meilleure articulation entre la politique des pôles de compétitivité et le nouveau grand plan d’investissement, pour concentrer les efforts sur l’innovation. Il attire l’attention sur l’urgence de réduire les fractures territoriales.
- Renouer avec une véritable politique industrielle
Le CESE préconise la définition d’une stratégie industrielle, co-construite par l’État, les entreprises et les partenaires sociaux. Le CESE prône également la mise en place d’un environnement favorable à l’investissement productif, à sa rentabilité et efficacité, autant au travers de garanties de l’État que par une fiscalité appropriée et des mesures incitatives : orientation de l’épargne, des crédits bancaires…
Cet avis, rapporté par Patricia BLANCARD (Groupe CFDT) et Françoise VILAIN (Personnalité associée), avec le support d’Anne-Marie COUDERC (Groupe des entreprises), pour la section de l’économie et des finances du CESE, présidée par Hélène FAUVEL (Groupe CGT-FO), a été présenté lors de l’assemblée plénière du Conseil économique, social et environnemental du 12 juin 2018. L’avis a été adopté en plénière avec 137 voix pour, 3 voix contre et 27 abstentions.
Parallèlement, le CESE a constaté des faiblesses de notre économie, voici quelques exemples des analyses et observations du CESE :
Un taux d’emploi nettement inférieur à la moyenne européenne
Malgré une légère augmentation de son taux d’emploi sur un an, la France continue de décrocher de la moyenne européenne. Le taux d’emploi métropolitain classe désormais la France au 19ème rang des 28 pays membres de l’Union européenne et le taux « France entière » au 20ème rang.
Un effort de recherche qui s’éloigne de l’objectif européen de 3 % du produit intérieur brut
L’effort de recherche de la France décroche à 2,25 % du PIB en 2016 contre 2,27 % du PIB en 2015 et 2,28 % en 2014. Le rythme de progression des dépenses de recherche ralentit depuis 2009 et devrait encore diminuer en 2016 (+0,1%), notamment du fait d’une stagnation des dépenses des entreprises. Dans le même temps, la plupart des pays développés connaissent une dynamique inverse : entre 2014 et 2015, l’effort de recherche des États-Unis est passé de 2,76 % à 2,79 %, celui de l’Allemagne de 2,88 % à 2,93 %. Même si la France se situe au-dessus de la moyenne de l’Europe à 28, elle se caractérise par une position de suiveuse plus que de leader.
Les doctorats mal appréciés
En France, c’est plutôt « Passe ton Bac d’abord », pour le doctorat, c’est une autre histoire …
En France, les docteures et les docteurs connaissent une situation particulière. On ne compte que 200 000 docteures/docteurs. Ils/elles sont majoritairement employés dans la Fonction publique et ne représentent que 12 % des chercheures et de chercheurs en entreprise…/… L’insertion des docteurs et des docteures sur le marché de l’emploi s’avère très difficile. Leur taux de chômage avoisine les 10 % dans notre pays, soit 4 à 9 fois plus que les pays de l’OCDE. Seuls 19 % sont en emploi à durée indéterminée à l’issue de leur thèse. Après 5 années de vie active, 20 % des docteurs sont sur des emplois à durée déterminée.
L’espérance de vie en bonne santé progresse lentement
Les années de vie gagnées sans incapacité ont tendance à stagner.
Dans sa note Études et résultats de janvier 2018, la DREES (direction du ministère du travail) explique que « les Français vivent de plus en plus longtemps, mais le gain de ces années à vivre n’est pas toujours associé à des années de vie en bonne santé ». Plus précisément, l’espérance de vie en bonne santé continue de progresser faiblement pour la tranche des 65 ans (+ 0,9 ans pour les femmes et + 0,8 ans pour les hommes), alors qu’elle diminue pour les 55 ans (ce qui peut aussi être la conséquence d’un allongement de l’espérance de vie des personnes ayant des incapacités survenues plus tôt dans la vie).
Écologie : des efforts à faire
L’empreinte carbone de chaque Française et Français a augmenté de nouveau entre 2015 et 2016. Cela résulte à la fois de la hausse des émissions territorialisées liées en particulier aux émissions du secteur des transports dans un contexte de reprise économique et de pétrole peu cher et à la poursuite de la hausse des importations de produits manufacturés.
Même si à 10,7 tonnes d’éq. CO2 par habitante/habitant, cette empreinte restait en 2016 légèrement inférieure au sommet de 11,6 tonnes atteint en 2000 et 2005, ce niveau « doit être mis en regard des objectifs internationaux et nationaux qui visent à contenir le réchauffement à moins de 2°C, soit une cible inférieure à deux tonnes de CO2 eq pour chacun des habitants de la planète en 2050 » comme l’indiquait le gouvernement dans son rapport au sujet de cet indicateur en 2016.
Une dette publique trop élevée
Le ratio de dette publique brute de la France a connu une croissance quasiment ininterrompue depuis 1990, passant de 35 % du PIB en 1990 à 97 % en 2017. Il n’a baissé brièvement qu’à deux reprises, entre 1998 et 2001 et de 2005 à 2007. Depuis 2007, le ratio d’endettement est en hausse de plus de 30 points de PIB. En 2017, la dette publique s’est ainsi élevée à 2 218 milliards, soit une hausse de 66 milliards par rapport à 2016.
La croissance du produit intérieur brut est en retrait
Le ralentissement tendanciel du PIB français sur longue période a reflété le ralentissement de la productivité horaire du travail : encore supérieure à 5 % dans les années 1950-1960, sa croissance est passée sous la barre des 1 % depuis la crise de 2008-2009. …/… Au-delà des effets liés aux politiques de l’emploi visant à améliorer l’intensité de la croissance en emploi, l’épuisement des gains de productivité renverrait à plusieurs facteurs : une faiblesse de l’investissement privé dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication, un retard dans la conversion au numérique et une faible intensité du processus de destruction créatrice en France. …/… Sur les trois dernières années, la croissance française a été inférieure à celle de la moyenne des pays de la zone euro.
Heureux en France ?
Les trois pays du bonheur sont à égalité : la Suède, la Finlande, le Danemark
La France se trouve dans une situation intermédiaire, avec une note de satisfaction dans la vie équivalente à celle de la moyenne des pays de l’Union européenne.
La satisfaction dans la vie est la plus élevée dans les pays scandinaves, avec une note moyenne de 8,0, où les niveaux de revenus sont les plus importants. Pour autant au-delà du seul aspect financier, ces performances renvoient plus particulièrement au cadre de vie (conditions de logement, loisirs/espaces verts) et à une qualité des relations personnelles jugée comme plus satisfaisante qu’ailleurs, notamment de la part des personnes âgées qui bénéficient d’une meilleure prise en charge. Par contre, elle est nettement plus faible dans les pays du sud de l’Europe (Grèce, Chypre, Portugal) et en Roumanie et en Bulgarie, dont les PIB par habitante/habitant sont moitié moindres que celui de la moyenne de l’Union européenne.
Satisfaction dans la vie en général : on est plus heureux à 24 ans qu’à 54 ans
L’indicateur de satisfaction est construit à partir des réponses apportées par les ménages à la question : « Sur une échelle de 0 (pas du tout satisfait) à 10 (très satisfait), indiquez votre satisfaction concernant la vie que vous menez actuellement ». Il provient d’une enquête annuelle européenne d’Eurostat sur les conditions de vie.
La satisfaction diminue nettement au fur et à mesure de l’avancement en âge. En 2016, malgré un tassement, les jeunes restent toujours plus satisfaits que l’ensemble des autres classes d’âge (avec une note moyenne de satisfaction de 7,8). La satisfaction est moindre pour les classes d’âge suivantes. Elle est en particulier moins élevée chez les 45-54 ans, dont la note moyenne se détériore en 2016 pour devenir la plus faible de l’ensemble des tranches d’âge. Dans le même temps, celle des plus de 76 ans progresse fortement (7,1, après 6,7 en 2015).
Le rapport annuel sur l’état de la France en 2018 « Mieux investir pour la France » examiné le 12 juin dernier par le CESE est téléchargeable gratuitement sur le site du Conseil économique, social et environnemental (CESE) : www.lecese.fr
C’est un document PDF de 122 pages.