A l’heure où les mesures protectionnistes et les tarifs douaniers fleurissent comme des coquelicots dans un champ de luzerne, il est peut-être intéressant de se remémorer les fondements du protectionnisme. Friedrich List, économiste allemand grand contradicteur d’Adam Smith, concevait le protectionnisme comme une période transitoire permettant aux entreprises nationales de s’adapter à la concurrence internationale. Il l’appelait d’ailleurs “protectionnisme éducateur”. C’est d’ailleurs probablement la philosophie derrière le système chinois qui impliquait le transfert de technologie, qui limitait l’implantation capitalistique en Joint Venture et qui contraignait le rapatriement des profits hors de Chine pour les entreprises étrangères.
La réponse protectionniste américaine n’est pas le fruit d’un protectionnisme éducateur. En réaction à une Chine de plus en plus conquérante, il vise à contraindre les contreparties commerciales des Etats-Unis à retourner la valeur ajoutée sur leur sol et à permettre à America Inc. de mieux pénétrer les autres zones économiques. Il est difficile d’y voir un bienfait pour l’économie mondiale qui fonctionne sur les deux piliers de la consommation et de la circulation des biens et des individus. En effet, les consommateurs seront les grands perdants du protectionnisme car les prix des biens et services seront plus élevés et leur accès plus ardu. Or, la consommation est aujourd’hui la clé de voûte des économies dites libérales. Le statut de consommateur se confond d’ailleurs souvent avec le statut de citoyen. La Chine, dont 40% du PIB dépend de la consommation (contre 36% en 2008), est désormais traversée par les mêmes tendances que les économies capitalistes. Une étude récente de Mac Kinsey sur le consommateur chinois révèle que, comme le consommateur américain ou européen, les millenials chinois seront les portes étendards de la création de richesse et les relais de croissance à moyen terme.
“Happiness Seekers”, “Spenthrifts”, “Success Seekers” constituent des profils désormais mondiaux qui orientent les modes de consommation dans les domaines tels que le luxe, la digitalisation, le confort, la mobilité, le tourisme, le sport ou la santé. Les peuples, fortement perturbés et culturellement ébranlés par la globalisation et la virtualisation du monde, sont confrontés au dilemme suivant : Consommation ou Protection. Dans leurs votes, ils ont dans certains pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Italie) plus ou moins consciemment exprimé le besoin, l’envie des deux et l’anxiété de les perdre aussi. Pourtant, ce sont parfois deux objectifs difficilement conciliables au même moment et sans consentir de sacrifices.
Pour les investisseurs, il faut aussi désormais évoluer avec agilité dans ce nouveau paradoxe tiraillant quitte à perdre un peu de performance au profit d’un meilleur contrôle du risque.
Texte achevé de rédiger le 8 juin 2018 par Igor de Maack, Gérant et porte parole de la Gestion.