Les épargnants s’interrogent sur les conséquences de la hausse des taux obligataires pour laquelle certains observateurs ont même employé le mot de « flambée ». Faut-il s’en inquiéter ?
Les épargnants redoutent les changements et ils se questionnent à propos de la remontée des taux obligataires, eux qui étaient habitués à des rendements très bas. Voici quelques-uns des domaines qui pourraient être impactés en cas de hausse des taux.
L’emprunt d’État français à 10 ans a franchi le seuil de 0%
Le 25 février 2021 l’OAT (Obligation Assimilable du Trésor) 10 ans est passée d’un territoire négatif à un rendement positif : – 0,0410 le 24 février à + 0,0300 le 25 février 2021. En valeur absolue, la variation n’est pas importante, mais en pourcentage elle l’est.
Même si la soudaine hausse des taux a surpris, Il est probable que cette agitation sur les taux n’aura pas de grande conséquence. D’ailleurs, si le 25 février 2021 l’OAT française à 10 ans offrait un rendement positif, le 26 février elle repassait déjà en territoire négatif.
wdt_ID | Dates | OAT 10 ans | OAT 30 ans |
---|---|---|---|
1 | 24/02/2021 | - 0,0410 | + 0,7620 |
2 | 25/02/2021 | + 0,0300 | + 0,8080 |
3 | 26/02/2021 | - 0,0110 | +0,7470 |
4 | 01/03/2021 | - 0,0970 | + 0,6670 |
Source : Banque de France
Quant aux obligations US, leur taux est passé à un niveau qui n’avait pas été atteint depuis bien plus d’un an : le 1er mars 2021, le bon du Trésor américain 10 ans donnait 1,448 après avoir touché un plafond à 1,530 le 25 février 2021, le 4 janvier 2021, son taux était inférieur à 1% puisqu’il était à 0,918. Sur un an glissant la variation de ce taux d’intérêt est supérieure à 20%.
Impact sur les fonds actions
La remontée des taux obligataires a pesé un peu sur les marchés actions la semaine dernière. Par exemple, le CAC 40 français (indice des 40 plus grandes valeurs) était à 5 703 points le 26 février contre 5 786 points le 15 février.
L’indice européen des 50 plus grandes valeurs, le DJ Eurostoxx 50 valait 3 636 points le 26 février contre 3 734 points le 15 février 2021.
L’indice américain, le Dow Jones Industrial Average, valait 30 932 le 26 février contre 31 522 points le 15 février 2021.
Mais les marchés semblent s’être repris ces derniers jours, du moins en France et en Europe. Précisons que le CAC 40 (qui a terminé la séance du 2 mars 2021 à 5 809 et le DJ Eurostoxx 50 (à 3 710 points le 2 mars 2021) ont connu une hausse de 4% depuis le début de l’année. En bonne voie !
Un meilleur rendement des obligations entraîne-t-il automatiquement une moins bonne valorisation des actions ?
Traditionnellement, les épargnants s’inquiètent de la remontée des taux obligataires qui pourrait faire baisser les actions et les fonds majoritairement investis en actions. La crainte est que les investisseurs se tournent vers les obligations et qu’ils se détournent des actions. C’est un peu, comme si les marchés obligations + actions formaient, par exemple, une masse totale de 100 et qu’une fois l’équilibre 50 pour les obligations et 50 pour les actions, rompu, tout déséquilibre de l’un profiterait à l’autre. C’est une vue un peu étroite et qui ne pourrait être vraie qu’en cas d’instabilités flagrantes.
Malgré tout, les craintes d’un déséquilibre se manifestaient déjà il y a plus d’un mois. Christine Lagarde, Présidente de la Banque centrale européenne, déclarait : « Dans le même temps, les prix des actions risquent de finir par devenir vulnérables à une hausse des rendements réels à l’échelle mondiale … /…. une hausse plus soutenue des taux réels pourrait rapidement réduire l’attrait relatif des actions.» (Compte rendu de la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne qui s’est tenue à Francfort-sur-le-Main les 20 et 21 janvier 2021).
Pour sa part, Florian Roger, responsable de la Stratégie et de la Recherche chez Exane Derivatives Research commente : « La pentification de la courbe des taux a été trop violente la semaine passée et les taux longs US ont atteint les niveaux que nous considérions comme critiques pour le court terme (car générant des tensions sur les taux réels et donc potentiellement des inquiétudes sur la valorisation de certains segments de marché). En fin de semaine dernière, cela a provoqué une correction des actifs risqués qui pourrait se poursuivre lors des prochains jours. Il est essentiel que les banques centrales fassent marquer des paliers de décompression aux marchés obligataires pour éviter une déstabilisation du scénario macro-financier et prévenir une hausse des taux réels. Si tel est le cas (comme nous le pensons), les marchés devraient pouvoir sortir par le haut de cette zone de turbulence en engageant une rotation plus importante vers la value ».
Quand la hausse des taux peut profiter aussi aux actions
Dans son rapport 2020 (qui vient de paraître) le fonds Actions 21 (société Gestion 21) ne regarde pas avec effroi la hausse des taux longs, bien au contraire : « Résultat de trois ans de sous-performance relative, les entreprises Value offrent, en effet, une décote de valorisation historique par rapport au reste du marché aujourd’hui. Ce niveau de décote confère à la Value une capacité de rattrapage significatif. Le carburant ne suffisant pas à lui-seul pour faire avancer le véhicule Value, ce dernier peut s’appuyer sur deux moteurs : la reprise économique et la hausse des taux longs. »
Les taux ne sont pas le seul élément à prendre en compte pour juger de la bonne ou mauvaise santé des marchés financiers. Dans un contexte de forte hausse des taux, il faudra certainement se poser la question de comment saisir les opportunités ?
Corrélativement, les préoccupations se portent aussi sur une reprise / accélération de la croissance et un risque d’une hausse rapide de l’inflation. Ces deux risques pourraient se manifester surtout outre -atlantique puisqu’actuellement en France, sur un an, l’indice des prix à la consommation harmonisé (estimation) augmenterait de 0,7 % à fin février 2021 après +0,8 % à fin janvier 2021.
Les taux des prêts immobiliers revus à la hausse
Parmi les facteurs qui influencent les taux des prêts immobiliers
la hausse des OAT n’est pas négligeable, elle sera directement répercutée sur les taux des prêts immobiliers. Si les OAT remontent, les taux d’intérêt immobiliers progresseront. Toutefois, étant donné les taux extrêmement bas :
Pour 100 000 euros empruntés hors assurances à 0,95% le coût du crédit sur 15 ans est de 7 344 €, les mensualités sont de 596 €. Si on passait à un taux de 1,45% le coût sur 15 ans serait de 11 329 €, les mensualités de 618 €.
Une hausse des taux des prêts immobiliers pourrait être néfaste au secteur immobilier, car elle réduirait les capacités d‘achat des ménages.
Les fonds en euros
Les fonds en euros pourraient-ils bénéficier de la hausse des taux ?
Oui si cette hausse est suffisamment progressive et longue dans la durée. Exemple : un assureur place 20% de ses cotisations annuelles versées sur son fonds en euros sur l’OAT 30 ans à 0,80% au lieu de 0,69%, le gain annuel sur le rendement du fonds en euros est de 0,022%. Autrement dit, un fonds qui rapportait 1% rapporterait alors 1,02%. On voit que l’impact est faible.
Une hausse de courte durée ne permettrait pas aux assureurs de placer l’argent frais collecté auprès des assurés. Quant à une hausse des taux trop brusque, elle aurait un effet de cisaille en diminuant la valeur des obligations anciennes détenues par les assureurs dans leurs portefeuilles (grosso modo une hausse de 0,50 de taux d’intérêt ferait baisser de 5% la valeur des obligations anciennes de même durée).
Au final, ce qui pourrait être favorable aux fonds en euros, ce serait une remontée des taux obligataires à la fois graduelle et tempérée. C’est ce qui pourrait se passer.
L’avis de LINXEA
Aujourd’hui, la hausse des taux semble trop faible pour menacer à la fois l’avenir des fonds en euros et celui des UC investies en actions.
La publication du taux d’inflation annuel de la zone euro le 2 mars a aussi confirmé la détente sur les taux obligataires. Le taux d’inflation annuel de la zone euro est, en effet, estimé à 0,9% en février 2021, stable par rapport à janvier, selon une estimation publiée par Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne. Cette stabilité calme le jeu des marchés obligataires.
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a d’ailleurs, le 1er mars 2021, dans son discours d’introduction à la conférence sur la revue de stabilité financière affirmé que « L’économie de la zone euro se trouve dans une situation différente de celle des États-Unis (sur le plan de l’activité réelle, de l’écart de production et de la relance budgétaire). Il n’y a pas de risque de surchauffe en Europe ».