Le tuteur doit solliciter l’autorisation du conseil de famille, ou à défaut, du juge des contentieux de la protection (nouveau nom du juge des tutelles depuis le 1er janvier 2020), pour verser des primes sur un contrat d’assurance sur la vie existant ouvert au nom d’une personne sous tutelle.
S’interrogeant sur les limites de ses pouvoirs et la distinction entre actes de disposition et actes d’administration, le juge des contentieux de la protection (anciennement, le juge des tutelles) du tribunal judiciaire de Rouen a demandé un avis à la Cour de cassation à propos des versements complémentaires sur un contrat d’assurance-vie ouvert au nom d’un majeur protégé.
Le 18 décembre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation a décidé que, conformément à l’article 501 du Code civil, le tuteur peut, certes, sans autorisation, placer des fonds du majeur protégé sur un compte. Mais, la réponse est différente pour un contrat d’assurance-vie.
Le contrat d’assurance-vie n’est pas un compte bancaire
Les magistrats de la Cour de cassation ont rappelé qu’« en premier lieu le contrat d’assurance sur la vie n’est pas un compte. En deuxième lieu, un tel contrat peut comporter des risques financiers, notamment lorsqu’il est libellé en unités de compte. En troisième lieu, la clause bénéficiaire, dans certaines hypothèses, notamment lorsqu’elle désigne le tuteur, peut placer celui-ci dans une situation de conflit d’intérêts. Enfin, le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, qui classe le versement de nouvelles primes sur un contrat d’assurance sur la vie dans les actes de disposition, sauf circonstances particulières, n’a pas été modifié (voir ci-dessous)».
Classification des actes concernant les contrats d’assurance-vie selon le décret du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, modifié par le décret du 14 décembre 2015
wdt_ID | Actes de disposition dans tous les cas | Actes d’administration (sauf circonstances d’espèce) | Actes de disposition (sauf circonstances d’espèce) |
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1 | Demande d'avance sur contrat d'assurance (art. L. 132-21 du code des assurances) | Acceptation de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie sans charge | Acceptation de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie avec charges |
2 | Exercice par le bénéficiaire d'un contrat de l'option irrévocable de remise en titres, parts ou actions (art. L. 131-1 du code des assurances) | Versement de nouvelles primes sur un contrat d'assurance-vie |
Les magistrats de la Cour de cassation ont donc décidé que, sauf circonstances particulières, le tuteur doit solliciter l’autorisation du conseil de famille, ou à défaut, du juge des contentieux de la protection (juge des tutelles), pour verser des primes sur un contrat d’assurance sur la vie existant. (Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 18 décembre 2020, pourvoi n° 20 -70.003).
La hiérarchie des actes importants (disposition) et des actes moins importants (administration)
- Constituent des actes d’administration les actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal.
- Constituent des actes de disposition les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire.
Cependant, au vu des circonstances de l’espèce, des actes d’administration qui peuvent avoir des conséquences importantes sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée peuvent être considérés comme des actes de disposition.
A l’inverse, des actes classés actes de disposition peuvent en raison de leurs faibles conséquences sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie, être considérés comme des actes d’administration.
L’avis de LINXEA
Les magistrats reconfirment dans l’arrêt ci-dessus que l’assurance-vie n’est pas un simple compte bancaire. D’ailleurs, cette décision digne d’intérêt a été publiée au Bulletin Civil des arrêts de la Cour de cassation, ce qui montre son importance.
Ensuite, il faut toujours faire preuve de mesure pour apprécier les actes faits au nom des personnes protégées. Il est donc probable que le versement de faibles primes (par exemple, des versements mensuels programmés de quelques dizaines d’euros) sur un contrat d’assurance-vie pourrait être retenu comme un simple acte d’administration, tandis que le versement de primes élevées doit être qualifié d’acte de disposition et donc autorisé comme tel par le juge des tutelles (aujourd’hui appelé juge des contentieux de la protection) ou par le conseil de famille.