Ainsi que nous vous l’avions déjà exposé, il est possible d’ouvrir une assurance-vie à un enfant ou à un petit-enfant (même mineur) avec des capitaux provenant d’un don manuel ou d’un présent d’usage.
L’atout du présent d’usage, c’est qu’il n’y a pas besoin de faire de déclaration à l’administration fiscale, alors qu’avec le don manuel une déclaration est obligatoire. Voici comment on peut faire un présent d’usage :
Le présent d’usage offre des avantages
Le présent d’usage permet d’obtenir une somme d’argent qui peut être librement placée sur un contrat d’assurance-vie ouvert au nom d’un enfant, d’un petit-enfant, d’un neveu ou d’une nièce.
Une fois le contrat ouvert celui-ci peut être également alimenté grâce au(x) présent(s) d’usage.
Le présent d’usage n’est pas pris en compte dans la succession
Le présent d’usage n’est pas rapportable à la succession de la personne faisant le présent d’usage (c’est ce qu’indique l’article 852 du code civil, voir son texte ci-dessous).
Le présent d’usage ne doit pas être déclaré à l’administration fiscale
Contrairement au don manuel ou au don de somme d’argent qui selon l’article 784 du Code général des Impôts (CGI) doit faire l’objet d’une déclaration sur un imprimé 2735-SD ou Cerfa n° 11278*16, le présent d’usage n’est pas imposable et il n’a pas à être déclaré à l’administration fiscale.
Le bulletin officiel des impôts précise : « En outre, il est admis de ne pas opposer les dispositions de l’article 784 du CGI aux dons manuels ayant le caractère de présents d’usage au sens de l’article 852 du Code civil. Ce caractère peut généralement être reconnu aux cadeaux faits aux enfants mineurs par des membres et des amis de la famille ».
Quelles caractéristiques doit avoir un don d’argent pour être défini comme un présent d’usage ?
Selon quels critères (en fonction des revenus ou du patrimoine du donateur) l’administration fiscale distingue-t-elle les présents d’usage non soumis au rappel fiscal et donc non taxables, des dons manuels rapportables fiscalement en cas de nouvelle transmission ?
Le second alinéa de l’article 852 du code civil prévoit : « Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant ».
Le bulletin officiel des impôts précise : « La jurisprudence civile a défini les présents d’usage comme étant “les cadeaux faits à l’occasion de certains événements, conformément à un usage, et n’excédant pas une certaine valeur” (Cass. civ; arrêt du 6 décembre 1988 n° 87-15083).
Ainsi, l’appréciation de la nature d’un don manuel et de son caractère rapportable ou non en fonction de son importance, est une question de fait. La qualification de présent d’usage pour un cadeau consenti résulte donc, au plan civil comme au plan fiscal, d’un examen des circonstances concrètes de chaque affaire, incompatible avec l’application de critères normatifs préétablis.
Dès lors, l’administration fiscale ne fixe aucune règle de proportionnalité du présent par rapport à la fortune ou aux revenus du donateur et apprécie au cas par cas la nature du don, en fonction de l’ensemble des circonstances de fait ayant entouré la libéralité, et sous le contrôle souverain des juges du fond. »
Les quatre caractéristiques définissant le présent d’usage sont :
Un « bien » donné à l’occasion d’un événement conforme à un usage
Le présent doit être fait à l’occasion d’un événement particulier.
Cet événement peut être notamment un événement familial tel que mariage ou naissance.
Il peut aussi s’agir d’un anniversaire, de Noël, du jour de l’an, du nouvel an chinois, d’une fête religieuse importante (Profession de Foi catholique, Bar-Mitzvah et Bat-Mitsvah juive, Pâques catholique, Pessah juive, Fin du Ramadan, Chahada musulmane, circoncision* ), d’une réussite à un examen, à un concours …
*à propos d’une collection d’ivoire et d’une statuette en or représentant un tigre qui avaient été données à l’occasion d’une circoncision (Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 16 juin 2011, pourvoi n° 10-15818).
D’une certaine valeur compte tenu du patrimoine ou des revenus ou du patrimoine et des revenus
L’article 852 du Code civil précise que « Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti, et compte tenu de la fortune du disposant ».
Précisons qu’offrir un cadeau d’une valeur de 15 000 € ne représente pas le même effort financier pour une personne qui a un patrimoine d’un million d’euros que pour une personne locataire ayant 1 800 € de revenus mensuels et n’ayant qu’un livret A.
La valeur du bien donné est retenue à la date à laquelle le bien en question est donné, peu importe que 5, 10 ou 20 ans après le bien donné ait une valeur dix fois supérieure. Dans la décision ci-dessous, un père de famille avait donné à sa fille des tableaux d’une valeur proche de 50 000 €, 10 ans après ce don les tableaux donnés valaient plus de 30 fois ce qu’ils valaient à l’époque du don, le don des tableaux n’a pas pu être remis en cause lors du décès du père par les autres héritiers qui contestaient ce don.
Y-a-t-il un pourcentage à ne pas dépasser pour le présent d’usage ?
Comme le rappelle la députée Mme Annaïg Le Meur le présent d’usage ne doit pas dépasser 2 à 2,5% de la valeur du patrimoine de celui qui le fait.
Voir ci-dessous cette question et la réponse ministérielle.
Voici trois exemples caractéristiques de présents d’usage acceptés par les magistrats :
- Un chèque de 15 000 € donné par une mère à chacun de ses enfants à l’occasion de Noël, la m ère disposant d’un patrimoine de 1 250 000 € (Cour d’appel de Paris, 1 ère chambre section B, 11 avril 2002, n°01-3791) constitue un présent d’usage non rapportable et non imposable.
- Deux chèques de 7 500 € donnés le jour de Noël à un couple de voisins qui s’occupaient de la personne décédée ne constituent, « compte tenu des circonstances de leur remise, un jour de fête, et de l’état de fortune de M. Z que des présents d’usage non rapportables et non imposables par une personne dont le patrimoine s’élève à près de 900 000 € « (Cour d’appel d’Orléans, chambre commerciale, 11 octobre 2007 N° de RG: 06/03246).
- Des tableaux d’une valeur proche de 50 000 € donnés par un père châtelain et possédant un grand domaine agricole à sa fille pour son mariage. La Cour d’appel de Toulouse dans une décision du 21 avril 1993 qui a été confirmée par la Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 10 mai 1995, pourvoi n° 93-15187 reconnaît comme un présent d’usage le don de huit aquarelles de Pierre-Joseph Redouté fait par un père à sa fille à l’occasion de son mariage.
À cette époque, en 1975, la valeur de l’ensemble des 8 aquarelles était de l’ordre de 70 000 francs (soit l’équivalent de 49 946 euros actuels en tenant comte de l’érosion monétaire, montant calculé avec le convertisseur franc-euro, pouvoir d’achat de l’euro et du franc de l’INSEE). Il est à noter qu’en 1985 sept de ces aquarelles de Redouté avaient été vendues en 1985 pour un prix de 5 620 000 francs (soit compte tenu de l’érosion monétaire due à l’inflation, une somme correspondant à 1 543 122 euros actuels).
Le père qui avait fait le cadeau était propriétaire du domaine de Lastours, commune de Castres, les magistrats ont estimé que « en se plaçant à bon droit à l’époque de la donation, et compte tenu de la fortune d’Henri Y. qu’il s’agissait de présents d’usage qui n’avaient pas à être rapportés».
À un proche ou à un membre de la famille (enfant, petit–enfant, arrière-petit-enfant, mari, épouse, neveu, nièce, cousin, cousine, belle-fille, gendre, un proche, même sans lien familial (ami, voisin).
Le présent d’usage n’est pas obligatoirement une somme d’argent.
Si le présent est souvent une somme d’argent, il peut aussi s’agir de bijoux, d’objets d’arts, de peintures, de gravures, voire des meubles meublants….
Les exemples de LINXEA :
– Des parents soumis à l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) peuvent faire à leurs deux enfants mineurs un présent d’usage à chacun de 8 000 € à l’occasion de Noël.
– Rien ne vous empêche de multiplier la même année les présents d’usage. Ainsi, si vous avez deux enfants et un patrimoine d’environ 1 million d’euros, au lieu de donner 10 000 € à chaque enfant à l’occasion d’un anniversaire, pensez à effectuer un présent de 5 000 € à chaque Noël et 5000 € à chaque anniversaire, et pensez à renouveler l’opération d’une année sur l’autre.
– Un père ayant 15 000 € de revenus mensuels peut très bien faire à son fils un présent de 5 000 € à l’occasion de son anniversaire.
– Des parents ayant un patrimoine de 2 millions d’euros peuvent faire un chèque de 20 000 € à leur fille à l’occasion de son admission dans une grande école d’ingénieurs.
– Un couple de grands-parents percevant des retraites d’un montant total de 6 500 € /mois et propriétaire de leur maison d’une valeur de 400 000 €, d’une assurance-vie de 200 000 €, sans oublier quelques disponibilités sur leurs comptes en banque et livrets, peuvent faire à chacun de leurs trois petits-enfants à l’occasion de leur communion solennelle un chèque de 4 000 €.
– Un oncle sans enfants dont le patrimoine dépasse les 500 000 euros donne à son unique neveu un chèque de 9 000 € pour sa réussite au baccalauréat avec une mention très bien.
– Un mari fortuné donne à son épouse à l’occasion de leurs 10 ans de mariage une bague avec un diamant de 3 carats d’une valeur de 42 000 €Conservez la preuve du présent d’usage, par exemple, s’il s’agit d’un chèque donné à un anniversaire datez le chèque du jour même de l’anniversaire et prenez en une photocopie. S’il s’agit d’un bijou, achetez le à une date proche de l’anniversaire auquel vous le donnerez, conservez précieusement la facture, et prenez des photos datées de l’anniversaire au cous duquel vous offrez ce bijou. Organisez-vous des preuves au cas où le fisc contesterait le caractère de présent d’usage.
La dernière position officielle en date du 31 décembre 2019 à propos des présents d’usage :
Voici la réponse ministérielle publiée au Journal Officiel, Débats, Assemblée Nationale le 31 décembre 2019 page 11532.
Texte de la question N° 22066 de Mme Annaïg Le Meur (La République en Marche – Finistère)
Mme Annaïg Le Meur attire l’attention de M. le ministre de l’action et des comptes publics sur « les conditions dans lesquelles s’applique la différenciation entre dons et cadeaux. …/ … La jurisprudence retient une valeur comprise entre 2 % et 2,5 % du patrimoine du donateur comme seuil entre présent d’usage et donation. Cependant, ce critère n’apparaît pas comme suffisamment équitable. …/….. Aussi, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage de modifier les modalités encadrant la définition relative aux dons ou présents d’usage. »
Texte de la réponse de M. le ministre de l’action et des comptes publics
« L’acceptation expresse d’une donation, notamment d’un don manuel, par le donataire entraîne en principe la soumission de la transmission aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG), quel que soit son montant. Il est toutefois admis que les présents d’usage n’ont pas à être soumis aux DMTG (§250 du BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10). …/….
La Cour de cassation, dans l’interprétation de ces règles, n’a établi aucun seuil maximal, que ce soit en pourcentage ou en valeur absolue, permettant de distinguer présent d’usage et autres donations. La jurisprudence rappelle en revanche de manière constante que la qualification de présent d’usage résulte d’un examen circonstancié de chaque situation de fait, qui relève du pouvoir souverain des juges du fond. C’est également la position retenue par l’administration fiscale qui ne fixe pas de montant fixe ou de pourcentage de la fortune du donateur en-deçà duquel il y aurait lieu de retenir systématiquement la qualification de présent d’usage, mais qui rappelle que la nature de la transmission doit faire l’objet d’une appréciation au cas par cas. Cette position tire les conséquences du fait que le présent d’usage est une notion éminemment factuelle, un don n’étant pas modeste ou important dans l’absolu mais uniquement par rapport à la fortune du donateur, ce qui la rend incompatible avec l’application de critères normatifs prédéfinis, qui pourraient au surplus être source d’inégalité entre les contribuables. »
Les textes à consulter :
Article 852 du code civil qui dispense les présents d’usage d’être comptabilisés dans la succession du défunt qui a fait le présent d’usage:
« Les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant.
Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant. »