Voici exactement ce qu’une personne âgée ne doit pas faire avec un contrat d’assurance-vie : ouvrir à un âge avancé une assurance-vie en y versant une somme modeste et 25 ans plus tard, alors qu’elle est centenaire, verser deux très, très gros montants. Le fisc conteste la validité du contrat et il a raison : les versements sont réellement disproportionnés et ils constituent une donation déguisée sous l’apparence d’un contrat d’assurance-vie.
Un véritable contre-exemple
Jugée par la Cour d’appel de Versailles (1 ère chambre, 1 ère section, 12 octobre 2021 n° RG. 20/03376), la décision suivante montre tout ce qu‘il ne faut pas faire.
A 76 ans une femme ouvre un contrat d’assurance-vie en y versant, en 1989, la somme de 6 000 francs (soit 914 €). De très nombreuses années après, elle effectue deux gros versements complémentaires, un premier de 750 000 € le 15 décembre 2014, et début 2015 un second de 750 000 €. Elle décède quelques mois plus tard en 2015 après ces deux gros versements à l’âge de 101 ans.
Les deux bénéficiaires désignés sont la curatrice de la défunte et son mari. Ils perçoivent chacun plus de 600 000 € après application de l’abattement et des règles avantageuses d’imposition relatives à l’assurance-vie.
Mais le fisc n’est pas d’accord.
L’administration fiscale requalifie le contrat en donation indirecte. Elle applique alors les droits de mutation à titre gratuit au taux de 60% entre non parents.
La requalification en donation indirecte a eu pour conséquence la taxation aux droits de mutation à titre gratuit applicables entre non parents selon l’article 777 du code général des impôts.
Outre ces droits de mutation, l’administration fiscale a ajouté les intérêts de retard prévus par l’article 1727 du code général des impôts pour 21 380 € et la majoration de 40 % prévue par l’article 1729 en cas de manquement délibéré pour 21 380 €.
L’intention libérale ne fait aucun doute
L’intention libérale de la personne âgée est évidente, d’autant plus que cette personne pour verser de l’argent sur son contrat d’assurance-vie, avait vendu tout son portefeuille de titres en Suisse.
Cette personne en souscrivant un contrat d’assurance-vie voulait donc bien éviter l’imposition des sommes au taux de 60%.
Lorsque l’un des bénéficiaires est le curateur (comme c’était le cas dans cette affaire), ce curateur doit demander au juge des tutelles (appelé maintenant « juge des contentieux de la protection ») de désigner un curateur ad-hoc pour le remplacer.
L’assurance-vie n’est pas réservée aux jeunes ou aux personnes d’âge mûr, même si ces personnes en souscrivant un contrat avant leur 70 ème anniversaire, ouvrent à leurs bénéficiaires un régime fiscal bien plus intéressant.
Rappelons que la ou les primes versées après 70 ans bénéficient d’un abattement de 30 500 € commun à l’ensemble des bénéficiaires désignés, en revanche, tous les gains et intérêts sont exonérés.
Les conseils de LINXEA
Ce dossier rappelle qu’il est toujours possible, même après 70 ans d’ouvrir un contrat d’assurance-vie. Souscrire un contrat à 76 ans, comme l’a fait la personne en cause dans cette décision de justice, est bien entendu possible. Mais il ne faut pas utiliser ce contrat pour espérer donner sans fiscalité ou avec une fiscalité avantageuse des sommes disproportionnées.
Par exemple, verser 30 499 € à 76 ans aurait permis à cette personne qui est décédée à 101 ans, en comptant un intérêt annuel de 3% l’an d’être à la tête d’un capital de 63 858 € qu’elle aurait pu transmettre sans aucune imposition. Cette somme totale de 63 858 € étant composée, d’une part, d’un versement de 30 499 € et, d’autre part, de 33 358 € d’intérêts, est totalement exonérée de droits de succession au titre de l’assurance-vie.