…dès lors que l’assuré peut manifester sa volonté de manière non équivoque.
Bien des évènements de la vie (mariage, divorce, naissance, accidents, décès…) peuvent conduire l’assuré souscripteur d’une assurance-vie à vouloir changer les bénéficiaires de son contrat.
Un arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2023 (1ère chambre civile, pourvoi n° 21-12.875) rappelle que le changement de clause bénéficiaire est possible à tout moment, mais l’assuré doit exprimer de manière certaine et non équivoque sa volonté de modifier la clause bénéficiaire.
P. avait souscrit deux contrats d’assurance-vie désignant, en qualité de bénéficiaire, Mme H et, à défaut, la fille de celle-ci, Mme D.
Le 27 octobre 2012, il avait apposé sa signature sur deux avenants, rédigés par son assistante de vie, qui modifiaient les clauses bénéficiaires de ces deux contrats, pour le premier, au profit de Mme G. et, à défaut, de ses enfants, de Mme N. et, à défaut, de ses enfants et de Mme V. et, à défaut, de ses enfants, et, pour le second, au profit de Mme T. et, à défaut, de ses enfants.
P. est décédé le 23 janvier 2013.
Les avenants du 27 octobre 2012 modifiant les clauses bénéficiaires ont été adressés par le courtier d’assurances à l’assureur après le décès de P.
L’assureur a ensuite versé les capitaux aux nouvelles bénéficiaires désignées.
Mme H, bénéficiaire initiale, a agi en nullité de ces avenants modificatifs et a demandé que les bénéficiaires lui remboursent les sommes qu’elles avaient reçues.
Le débat s’est porté sur la question suivante : l’assuré a-t-il eu la volonté réelle de modifier les clauses bénéficiaires ?
En l’espèce, il n’était pas contesté que la lettre portant modification des bénéficiaires des contrats n’a pas été rédigée par l’assuré P. mais par une de ses assistantes de vie. L’assuré a seulement apposé sa signature sur le document qui a été envoyé à l’assureur par le courtier postérieurement au décès de l’assuré.
La cour relève, d’une part, que les dispositions de l’acte modifiant le nom du bénéficiaire ne sont en elles-mêmes ni incohérentes, ni absurdes ou démesurées, et d’autre part, que la seule apparence formelle, certes tremblée et mal assurée, de la signature de l’assuré P. ne permet pas, à elle seule, de déduire de manière certaine un état de déficience mentale grave et donc l’insanité d’esprit de son auteur.
La Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel de Paris (Pôle 2 – chambre 5, 24 novembre 2020, n° 18/27333). Elle renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Paris, autrement composée, et à qui elle demande de “ rechercher s’il ne résultait pas de l’ensemble des circonstances extérieures ayant entouré la signature des avenants du 27 octobre 2012 que l’assuré P. n’avait pas exprimé de manière certaine et non équivoque sa volonté de modifier les clauses bénéficiaires”.
Le changement de bénéficiaire est libre
L’assuré peut modifier la clause bénéficiaire à tout moment, tout au long de la vie du contrat. La clause peut être changée par un avenant qui, bien entendu, doit être porté à la connaissance de l’assureur. L’assuré n’a pas l’ obligation d’informer le précédent bénéficiaire de ce changement.
Dans tous les cas, le changement de la clause bénéficiaire n’est possible que si le bénéficiaire désigné n’a pas accepté le bénéfice de sa désignation.
Lorsque le bénéficiaire a accepté sa désignation, l’assuré souscripteur doit obtenir son accord pour pouvoir modifier la clause.
70 ans, 80 ou 90 ans : Est -il trop tard pour modifier sa clause bénéficiaire ?
Non, il n’y a pas d’âge maximal pour modifier une clause bénéficiaire. Cependant, le changement ne peut être effectué que si l’assuré n’est ni en état d’incapacité ni en état de vulnérabilité.
État d’incapacité
Si l’assuré qui souhaite changer sa clause bénéficiaire est sous curatelle ou tutelle, il ne peut pas modifier seul sa clause bénéficiaire. L’assuré sous curatelle doit être assisté de son curateur, l’assuré sous tutelle doit doit avoir l’accord du juge des tutelles.
État de vulnérabilité
Lorsque l’assuré est âgé il faut vérifier qu’il n’y a pas un abus de faiblesse sur une personne âgée ou sur une personne en état de faiblesse physique ou mentale. L’article 223-15-2 du code pénal punit l’abus de faiblesse d’une peine d’emprisonnement de trois ans et une amende de 375 000 € avec la possibilité, en cas d’abus de faiblesse aggravé, d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 750 000 € d’amende.
Une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation (10 novembre 2015, pourvoi n°14-85.936) nous donne une parfaite illustration d’un abus de faiblesse. En l’espèce, une aidante avait fait modifier la clause bénéficiaire d’une personne âgée et très malade, 20 jours avant son décès. Elle s’était faite désigner comme bénéficiaire à la place des petits-enfants de l’assuré.
Les magistrats ont relevé que “ l’assuré n’était plus en état mental de prendre la moindre décision ni de se défendre de manière efficace ” et qu’il était ” une personne vulnérable au sens pénal du terme à la date du 11 décembre 2009 ”, date de signature des avenants litigieux à ses deux contrats d’assurance vie “.